"AUTOUR DU LIBRE 2000 - ENST Bretagne - 7/10 février à BREST"

Une démarche commerciale basée sur du logiciel libre :

quels risques et quelles garanties ?

9/02 - session II  17h15 - 18H30

Responsable : Jean LE TRAON
Intervenant(s) : Mathias HERBERTS + Hervé RETIF
Rapporteurs : Karl RIELLAND & Pierre MARLIANGEAS
Animateur : Jean LE TRAON, ENST Bretagne – Direction des relations avec les entreprises
Mél : jean.letraon@enst-bretagne.fr

Le premier intervenant : Mathias HERBERTS, consultant en nouvelle technologie, diplômé de l’ENST Bretagne.
Le deuxième intervenant : Hervé RETIF, ENST Bretagne – Département informatique.
Mél : herve.retif@enst-bretagne.fr

Organisation :

Le thème de cet atelier était de savoir à quels problèmes s’exposait une entreprise ou une collectivité locale qui acquérait un ou plusieurs logiciels libres. L’atelier devait se placer du point de vue de l’utilisateur non-informaticien, mais il s’est plus orienté du côté vendeur ayant de bonnes connaissances en logiciel libre. Plus qu’un atelier, un débat s’est engagé entre les différents participants, fondé sur des expériences personnelles et professionnelles.

Cependant, le débat entre les différents participants s’est plutôt tourné vers l’aspect vente de logiciel libre dans les entreprises. Les personnes présentes ont essayé d’imaginer quelles pouvaient être les difficultés rencontrées par une entreprise qui acquérait un logiciel libre, au travers de leurs propres expériences.

Nous allons donc rapporter les propos qui se sont tenus lors de cet atelier, puis nous essaierons d’apporter une réflexion sur le thème abordé et trouver les passerelles entre les différents ateliers du colloque.

Synthèse de l’atelier :

Le premier intervenant (Mathias HERBERTS) a commencé par relater quelles sont les difficultés qu’il a constatées lors de rencontre avec des clients, lorsqu’il leur proposait des solutions basées sur des logiciels libres.

  1. Les entreprises ne sont pas toujours au fait des évolutions informatiques et ont tendance à faire confiance aux solutions qu’elles connaissent ou qu’elles ont déjà expérimentées.
  2. Pour beaucoup d’entreprise " libre = gratuit ", et donc les logiciels sont de moins bonne qualité (très souvent les logiciels propriétaires disposent d’interfaces plus agréables et rendent la prise en main plus facile).
  3. Les entreprises choisissent souvent une solution informatique en tenant compte des choix de leurs partenaires ou concurrents (favorise l’utilisation des logiciels propriétaires et de Windows).

Avant toute chose, il faut rassurer l’entreprise ou la collectivité locale cliente sur la nature et la qualité du logiciel libre. L’entreprise aura tendance à faire confiance à des solutions qu’elle connaît, qu’elle maîtrise déjà, dont elle a entendu parler ou qui dispose d’un label de qualité émis par une entreprise reconnue dans le milieu informatique.

De plus, le vendeur doit bien expliquer la différence entre libre et gratuit, ainsi que présenter au client les différents avantages qu’un logiciel libre peut lui apporter.

 

Le débat s’est alors orienté sur les questions que peuvent se poser les clients et notamment :
- Le libre nécessite-t-il des compétences particulières ou supplémentaires ?
- Quelles garanties pour le client (labels…) ?
- Quels coûts (maintenance, formation…) ?
Le logiciel libre en général nécessite plus de compétences pour l’installation mais celles-ci sont facilement réutilisables lors d’expériences futures (achat d’un nouveau logiciel, évolution du logiciel actuel…).

Le logiciel libre ne bénéficie pas encore de labels de qualité, principalement en raison de sa jeunesse. Cependant, il apporte d’autres garanties au client en terme de pérennité, d’évolutivité, de robustesse et de facilité de maintenance.

Les coûts d’un logiciel libre ne doivent pas uniquement se penser en terme de coûts d’achat de licences, mais aussi en terme de maintenance et de formation comme pour les logiciels propriétaires. Globalement, on s’aperçoit qu’on réalise tout de même des économies comme on le verra par la suite.

Le logiciel propriétaire bénéficie d’une plus grande maturité, qui facilite pour le client la compréhension et la connaissance des différents problèmes que le logiciel peut créer ou auxquels le propriétaire peut être confronté. Or, les consommateurs ont tendance à privilégier les produits qu’ils connaissent aux dépens de produits plus performants.

La seconde intervention principale (Hervé RETIF) traitait de l’installation d’un point d’accès public à Internet et aux services Intranet de la municipalité de Locmaria-Plouzané. On a notamment analysé les difficultés inhérentes au libre, sa complexité relative pour des non-initiés. En effet, au moindre problème de maintenance la personne chargée de ce lieu de rencontre n’a d’autre solution que de faire appel à la " communauté libre " qui certes, travaille bénévolement mais n’a pas non plus la réactivité d’une entreprise. Le problème n’est pas très grave pour une collectivité locale mais devient pénalisant dans le cas d’une entreprise dont le réseau informatique serait arrêté. Une solution possible à ce problème est de faire appel à une société de conseil en informatique qui, par nature du logiciel libre, possédera les sources, pourra les modifier, fera évoluer le logiciel et résoudre les problèmes futurs.

Ouvertures sur les thèmes précédents :

L’un des principaux reproches faits au logiciel libre est sa relative complexité. Le premier thème d’orientation du débat était d’ailleurs de savoir si oui ou non des compétences particulières étaient nécessaires à l’utilisation du logiciel libre. En effet, le libre nécessite souvent plus d’efforts d’installation et comme on l’a vu, il faut donc rassurer les clients. Il faut prendre des précautions car le client ne maîtrise pas le produit et il ne faut pas qu’à l’utilisation le logiciel soit trop complexe, pour éviter toute frustration. L’économie du logiciel libre est à cet égard, une économie de la qualité, comme toute économie de services. Mais le libre étant encore en phase de développement, il ne jouit pas de labels et de signaux permettant au client d’évaluer la qualité du produit et les compétences de son fournisseur.

Il lui faut des signaux qui le rassurent et le confortent dans son choix car il perd ses repères. On ne peut envisager de fournir du libre sans accompagner l’offre auprès du client. On ne peut d’ailleurs pas répondre de façon unique à la question des compétences nécessaires pour le libre. Le logiciel libre n’est pas forcément plus complexe mais il faut trouver les compétences et c’est probablement là que se trouve la réelle difficulté.

Tout repose sur une confiance client/offreur, tout en sachant que les décideurs ont des critères souvent irrationnels de choix des solutions qu’on leur propose.

Le débat s’est alors orienté sur les garanties que pouvait offrir le fournisseur au client afin justement de le rassurer. Or, les pratiques contractuelles sont les mêmes que pour les logiciels propriétaires. Les licences libres n’ont pas de spécificité du point de vue des garanties (se reporter à l’atelier A1 qui a traité les aspects juridiques autour du libre). Il n’existe pas d’uniformisation des licences, ce qui ne facilite pas la compréhension pour le client, même si la licence GPL est la plus utilisée.

Le principal problème du logiciel libre est de savoir contre qui se retourner en cas de problème ou de litige. Les utilisateurs deviennent auteurs. Chacun a des droits sur sa partie de code source mais on ne sait pas qui a les droits sur l’ensemble. Les problèmes de droits des logiciels sont complexes, car ils font parfois appels à des notions de droit national ou de propriété intellectuelle qui sont différentes suivant les pays. Certains font aussi appel au droit international et au droit de la consommation (cf. Atelier A1)

Comme on l’a vu précédemment, on peut même trouver des garanties au libre qu’on ne peut pas trouver aux logiciels propriétaires. En effet, on a une garantie de compétences, si le fournisseur disparaît, on peut retrouver les compétences au sein de la " communauté libre ", la difficulté étant toujours de trouver ces compétences (le client ne connaît pas a priori, qui dispose des compétences sur quel logiciel). Ceci est dû au fait que le client dispose des sources des logiciels libres qu’il utilise et qu’il peut les modifier ou les faire modifier par des spécialistes en informatique.

En ce qui concerne les coûts, les problèmes sont tout aussi complexes et on ne peut pas apporter une seule réponse. Il y a bien sûr, une baisse sensible des coûts de licences (plus de coûts de multiplication des licences pour l’entreprise ou la collectivité locale cliente), mais il y a aussi un transfert des coûts par rapport aux logiciels propriétaires, de l’acquisition vers la maintenance et la formation.

On peut tout de même estimer que le TCO (Total Cost of Ownership) d’un logiciel libre est inférieur dans un rapport de 1 à 10 (en général, de 1 à 2) puisque le coût de maintenance est à peu près identique mais le coût de multiplication des licences est bien moins élevé (cf. LINUX Expo).

Conclusion :

On a pu constater au cours de cet atelier que les questions autour d’une utilisation commerciale du libre sont nombreuses et qu’on ne peut pas y apporter une réponse unique et simple. L’économie du logiciel libre est encore récente et peut être pas assez mure pour intégrer totalement le marché grand public. On s’est d’ailleurs bien rendu compte qu’il y a encore un effort marketing important à faire autour du libre (Cf. Atelier A1) afin d’utiliser au mieux les caractéristiques et avantages du libre sans tomber dans les critiques de ses détracteurs.

Il est peut être regrettable qu’on ait pu réellement se placer du point de vue d’un utilisateur non initié mais cela s’explique par le fait qu’aucun intervenant n’était vraiment novice. Le débat était donc quelque peu faussé et les intervenants prêchait avant tout des convertis.