Geneviève Le Corre |
Doctorante à lU.B.O.- Brest fax/minitel 02 98 41 77 33 Genevieve.Lecorre@univ-brest.fr |
LA LANGUE DE SIGNES FRANÇAISE : Iconicité d'un système linguistique |
A l'opposé du locuteur
entendant qui utilise le canal audio-oral qui lie audition et phonation pour recevoir et
émettre, le locuteur sourd use du canal visuel-gestuel, c'est-à-dire qu'il a recours à
un lien qui unit vision et geste. Cette différence de canal conduit à un système
linguistique qui est régi par le principe de l'iconicité. Afin de décrire la manière
dont s'organise cette iconicité - plus précisément dans le lexique sur lequel je
travaille essentiellement - je me propose de présenter brièvement, dans une première
partie : - les formes élémentaires - appelées paramètres de formation des signes - qui correspondent aux éléments constitutifs de la forme - configuration, orientation, emplacement, mouvement - et qui équivalent aux phonèmes des langues vocales en ce qu'elles se combinent entre elles pour former des unités signifiantes. - les signes gestuels qui sont construits à partir de choix sémiotiques qui ne retiennent que certains traits du référent - caractéristiques physiques pour les objets concrets - et qui les combinent. - l'abstraction du corps qui, en langue des signes, est essentiel car il est matière de l'expression mais qui est aussi le lieu de la perception et de l'expérience ; il permet de spatialiser tous les rapports; point central, repère, le corps intègre l'expérience dans la représentation linguistique. Puis, dans une seconde partie, je montrerai comment, en adéquation avec la langue, la recherche d'une forme est toujours première dans la conceptualisation. La langue des signes crée des images. Elle a besoin de formes pour représenter l'abstrait comme le concret. Le référent étant d'abord un modèle visuel, sa reconnaissance doit obligatoirement passer par la forme. Or, la langue des signes a la possibilité d'exploiter systématiquement les paramètres qui déterminent les formes, jouant sur leur identité et/ou sur leur opposition, ce qui conduit à : - un signifié " relationnel et topologique " du signe gestuel : la combinaison des paramètres de formation du signe qui entrent dans la composition de toutes les unités lexicales produit un signifié qui émane moins des configurations ou des mouvements ou des emplacements en soi que de leurs relations; - un procès sémiotique et un procès sémantique qui sont étroitement liés : comme dans le cadre de la stylisation, où l'objet représenté est simultanément reconduit, grâce à ses traits constitutifs dans sa propre gestalt, en langue des signes, la mise en relation des paramètres de formation du signe crée le signe gestuel dans son intégralité même s'il ne paraît renvoyer qu'à un élément de l'entité qu'il représente. Les traits perçus qui donnent directement l'accès à l'objet représenté dans sa propre gestalt sont aussi ceux qui donnent l'accès au sens. |