Jean-Alain HERNANDEZ
Secrétaire général de la commission de terminologie et de néologie des télécommunications
Groupe des écoles des télécommunications / Direction scientifique
jean-alain.hernandez@get-telecom.fr
Les commissions spécialisées de terminologie et de néologie :
un dispositif français pour contribuer à la création d'une langue de spécialité.
La définition de la terminologie que l'on trouve couramment dans les dictionnaires, Ensemble des termes techniques d'une science ou d'un art , nous renvoie à la perception première qu'en a souvent le public: un catalogue (parfois énorme) de termes utilisés par les spécialistes dans un contexte précis.
Du coup, il semble souvent qu'une des premières tâches des terminologues doit être la tenue à jour de ce catalogue, tâche particulièrement ardue dans le cas des sciences et technologies de l'information et de la communication (STIC) en raison de deux de leurs caractéristiques. D'abord, les STIC évoluent très vite et les terminologues sont toujours obligés de "courir après la technique". Ensuite, du fait de la suprématie mondiale des anglo-saxons dans le domaine des STIC, la plupart des concepts sont exprimés d'abord en américain, et seuls certains d'entre eux finissent par devoir passer dans la langue française.
Depuis 1996, un dispositif d'enrichissement de la langue française permet la création et la prise en compte de nouveaux termes, grâce à des commissions ministérielles de terminologie . Agissant chacune dans un domaine particulier (chimie, transport, économie, informatique, télécommunications, nucléaire, etc.), ces commissions, au nombre de 19, sont coordonnées par une Commission générale de terminologie et de néologie placée auprès du Premier ministre. L'ensemble du vocabulaire adopté par cette dernière est publié au Journal Officiel et doit être alors obligatoirement utilisé dans l'administration (et donc dans l'éducation nationale). Ajoutons qu'il est souvent, et c'est heureux, adopté dans des cercles beaucoup plus larges. Cependant, contrairement à une opinion répandue, les organismes de radiodiffusion et de télévision (comme, bien entendu, les personnes privées) ne sont pas tenus d'utiliser ce vocabulaire. Cette situation fait suite à une décision du Conseil d'état datant de l'été 1994. A noter également que l'ensemble du dispositif est placé sous le regard de l'Académie française qui peut intervenir à chacun des niveaux et qui a un "droit de veto" final sur les termes choisis et leur définition.
L'objet de cette communication est de présenter ce dispositif qui contribue, avec des caractéristiques bien particulières, à la création d'une langue de spécialité.
On insistera notamment sur les possibilités très originales qu'offre les commissions de terminologie dans le choix des termes à créer, à changer ou à définir. On verra, en effet, que certes ce choix peut être dicté par des considérations techniques (émergence de nouvelles technologies) ou sociales (diffusion de nouveaux produits) mais qu'il peut l'être aussi par des considérations politiques (passage à l'économie de marché, par exemple).
Des exemples pris dans le domaine de l'informatique ou des télécommunications illustreront ces différents aspects.
Mais, à côté de la dimension technique et scientifique de la terminologie, il existe aussi une autre dimension, une dimension d'usage. C hercheurs, ingénieurs, industriels, en effet, commencent à prendre conscience que la terminologie qu'ils emploient est un élément majeur de la pertinence de leur réflexion, de la qualité de leur communication mais également de la commercialisation des produits industriels ou des services ! Il est donc indispensable qu'en aval de ces commissions de terminologie se trouvent des dispositifs de diffusion qui relaient dans le public les nouveaux termes créés ou définis.
C'est précisément à cet objectif que répond la base de données appelée CRITER (Corpus du Réseau Interministériel de Terminologie), base gérée par le Ministère de la culture et accessible par l'internet. Cette base de données, que l'on présentera rapidement, comprend l'ensemble des termes publiés au Journal Officiel par la Commission générale de terminologie et de néologie, soit près de 3000 termes français avec leurs définitions et leurs équivalences en langue étrangère. Elle permet aux traducteurs des textes officiels, mais aussi aux curieux de la langue française de savoir de quelle façon peut être désignée telle ou telle notion nouvelle.